Avant d’être conseillère chez Eva Jura, j’ai travaillé 2 ans au Cirad à la Réunion sur un projet européen d’adaptation des élevages de ruminants aux changements globaux dans l’Océan Indien. Voici mon retour d’expérience.
L’élevage bovin se développe sur l’Île de la Réunion depuis les années 1980. En altitude, le climat tropical humide permet une production d’herbe toute l’année mais contrastée selon la saison. Les reliefs, très escarpés, rendent bon nombre de parcelles inadaptées à la fauche, ce qui complique la constitution de stocks fourragers pour l’hiver. Le caractère insulaire (importation de tous les aliments concentrés) et le contexte actuel de changement climatique nécessitent également une meilleure valorisation des prairies. La connaissance des systèmes herbagers de la Réunion étant encore limitée, un observatoire de la pousse de l’herbe a été mis en place en 2017 par l’Association Réunionnaise de Pastoralisme en partenariat avec le Cirad. Des spécialistes de la gestion de l’herbe accompagnent ce projet, s’appuyant notamment sur l’observatoire de Franche-Comté créé de longue date.
Le premier objectif de l’observatoire réunionnais est de comprendre les dynamiques de pousse de l’herbe en milieu tropical humide. Pour ce faire, un zonage représentatif des élevages pâturant a été réalisé. Les trois zones choisies présentent de fortes variabilités d’altitude, de climat et de composition floristique. Les principales graminées rencontrées sont tropicales (kikuyu, chloris) ; certaines prairies comptent également des espèces tempérées (ray-grass, dactyle, brome, trèfle blanc). Le protocole RMT prairies, référentiel national de l’Institut de l’Elevage, a été adapté au contexte de l’île (pâturage toute l’année). Cinq opérateurs réalisent le suivi hebdomadaire des croissances et des densités d’herbe sur une soixantaine de parcelles réparties sur huit exploitations. Après séchage, la valeur alimentaire de l’herbe est analysée à l’aide de la spectrométrie proche infrarouge (SPIR). Le stock d’herbe disponible et les jours d’avance sont calculés et communiqués aux éleveurs du réseau dans un compte-rendu hebdomadaire personnalisé. Il permet d’aider à la décision d’orientation d’usage de la prairie (fauche vs pâture) et de déterminer la durée optimale de pâturage. Les éleveurs et les conseillers reçoivent également un bulletin mensuel présentant les moyennes régionales de croissance de l’herbe associées à des conseils de gestion des prairies.
Les résultats actuels sont encourageants et feront l’objet d’une présentation sous forme de poster aux Journées de l’AFPF 2020. Le projet se poursuit avec, entre autres, la perspective de caractériser la densité de l’herbe grâce au traitement d’images prises par drone.
Article EVAMAG 13 – Jeanne AVERNA, Conseillère EVA Jura
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