Réussir la croissance de la génisse passe tout d’abord par une bonne maîtrise de la phase lactée. En effet, un retard sur cette phase reste très difficile à rattraper lors des phases suivantes. Malgré cela, le soin à apporter aux génisses en post-sevrage et jusqu’à l’IA reste très important si l’on souhaite préparer au mieux la génisse à sa future carrière de laitière.
L’importance de bien gérer l’alimentation des génisses
L’alimentation est un critère clé dans l’élevage de la génisse, future vache laitière. Les conséquences d’une mauvaise gestion alimentaire, notamment sur la première année de vie de la génisse, peuvent être nombreuses. Tout d’abord car le potentiel laitier de l’animal se décide pendant les premiers mois de sa vie (entre 0 et 9 mois). En effet, c’est la période pendant laquelle les cellules sécrétrices se multiplient. Il est donc important de ne pas négliger cette phase. Par ailleurs, ce n’est pas la taille des cellules sécrétrices qui déterminent la production laitière mais leur nombre. Il est donc important de maîtriser le niveau énergétique de la ration afin que les cellules adipeuses ne prennent pas toute la place dans la mamelle
Source : FIDOCL – Anne BLONDEL, ACSEL
L’alimentation va être également un point déterminant pour le déclenchement de la puberté de la génisse. Il s’agit ici du moment où la fonction sexuelle se met en place. En général, elle a lieu autour de 13-14 mois pour la Montbéliarde et de 9-10 mois pour la Prim Holstein. Outre l’âge de la génisse, son poids va aussi jouer une rôle dans le déclenchement de la puberté : elle apparaît en général autour 40 à 50% du poids vif adulte. Attention toutefois, un régime alimentaire trop élevé (> 850 g/j) au moment de la puberté a également un impact sur la fertilité mais également sur la future production laitière. En effet, celui-ci va réduire la production d’hormones et le développement du tissu sécréteur de lait au niveau de la mamelle (cf tableau ci-après).
Source : FIDOCL – Mathilde VIAL, ADICE
Passée la puberté, une croissance soutenue n’aurait plus d’effet négatif sur le potentiel des tissus de production et le potentiel laitier de l’animal. En revanche, elle peut impacter la production laitière des primipares si celle-ci dépasse les 800g GMQ/j. En effet, une forte croissance pendant cette phase peut détériorer la santé et la longévité de l’animal. La note d’état d’engraissement de la génisse à cette période ne doit pas excéder 3 pts. Au-delà, la fécondité de la génisse peut être pénalisée.
Une sous-alimentation après la puberté n’a pas d’effet négatif à long terme. En revanche, celle-ci peut entraîner une diminution de la réussite à l’insémination mais aussi des problèmes au vêlage, un mauvais développement du fœtus durant la gestation ainsi qu’une première lactation relativement décevante : environ 50 à 90 kg de lait en moins par 10 kg de poids vifs manquant à l’IA.
La conduite du sevrage à 6 mois
Pour commencer, il est important de limiter au maximum les changements de bâtiment pour la génisse durant les six premiers mois de sa vie. En effet, il s’agit ici d’éviter de cumuler les stress, notamment au moment du sevrage. Il faut également éviter d’avoir des lots avec trop d’écart en âge et en poids.
Concernant l’alimentation, il convient de privilégier une densité énergétique de la ration élevée sur cette période car les besoins en UF de l’animal sont supérieurs à sa capacité d’ingestion. Il faut lui apporter environ 4,3 UFL /j minimum. Il est donc important de connaître les quantités précises que l’animal ingère durant cette période. La mise à disposition d’un fourrage de qualité et riche en énergie est recommandé. Attention aussi à ne pas négliger l’apport en minéral : viser environ 20 g de minéral 3.5 / 27 / 5 par kg d’aliment distribué.
Exemples de rations (fourrages à volonté)
FOURRAGES | POSSIBILITÉ 1 | POSSIBILITÉ 2 |
Foin de bonne qualité | 2 kg de VL 18 | 1,4 kg de maïs grain entier et 0,6 kg de tx 40 |
Foin mauvaise qualité | 3 kg de VL 18 | 2,1 kg de maïs grain entier et 0,9 kg de tx 40 |
Paille | 3,5 kg de VL 20 | 2,3 kg de maïs grain entier et 1,3 kg de tx 40 |
Foin + Ensilage de maïs | 0,8 kg de tx soja |
Attention : ensilage de maïs limité à 1,3 kg MS/100 kg PV
L’alimentation après 6 mois
C’est à partir de 6 mois que l’alimentation va varier en fonction de la stratégie d’âge au vêlage choisie. En effet, les courbes de croissance sont différentes ainsi que les objectifs de GMQ : 750 g/j pour du vêlage 24 mois, 600 g/j pour du vêlage 30 mois et environ 550 g/j pour du vêlage 36 mois. Concernant la composition de la complémentation, il faut privilégier l’énergie jusqu’à un an puis miser sur l’azote pour favoriser la croissance et éviter l’engraissement de la génisse.
Exemple de ration sèche pour du vêlage précoce en système AOP (24 mois) (fourrage à volonté) :
FOURRAGES | 6 MOIS – 12 MOIS | + 12 MOIS |
Foin de bonne qualité | 2 kg VL 18 | 500 g |
Foin mauvaise qualité | 3 kg VL 20 | 1 kg tx 35 |
Paille | 4 kg VL 20 | 1,2 kg tx 35 + 2,5 kg de céréales |
Exemple de ration sèche pour du vêlage tardif en système AOP (36 mois) (fourrage à volonté) :
FOURRAGES | 6 MOIS – 12 MOIS | + 12 MOIS |
Foin de bonne qualité | 2 kg VL 18 | |
Foin mauvaise qualité | 2,5 kg VL 20 ou tx 35 | 500g tx 35 |
Paille | 2 kg céréales + 800 g tx | 2 kg céréales + 800 g tx |
En systèmes “lait standard”, la ration complète des vaches laitières peut-être distribuée aux génisses et complétée avec un apport de foin. Voici donc les repères à avoir au niveau des quantités distribués :
Exemple de ration génisse en système “lait standard” en fonction de la stratégie d’âge au vêlage :
Source : FIDOCL – Philippe ANDRAUD, Puy-de-Dôme Conseil Elevage
L’apport journalier en minéraux ne doit pas non plus être négligé. Un minéral adapté doit être apporté quotidiennement sous forme de granulés (incorporés ou non aux concentrés) ou de blocs à lécher en libre service.
Exemple de la teneur minimale recommandée de l’AMV en vitamines et oligo-éléments pour une distribution de 100 à 130 gr /jour/génisse en fonction de l’âge (de 10 mois au vêlage) :
Source : FIDOCL – Philippe ANDRAUD, Puy-de-Dôme Conseil Elevage
La croissance de la génisse est donc primordiale pour la réussite de sa future carrière de vache laitière. C’est à cette période que son potentiel laitier se joue ainsi que sa longévité. L’important est d’éviter l’engraissement de la génisse pour optimiser au mieux son avenir. Pour cela, il faut privilégier une ration riche en énergie seulement jusqu’à 12 mois et privilégier ensuite une ration riche en azote pour favoriser le développement et non l’engraissement. La réussite de la croissance passe aussi par la distribution de fourrages de qualité et l’apport de minéraux adaptés.
Pauline Tissot, Conseillère technique d’élevage
pauline.tissot@evajura.com
Témoignage éleveur :Julien GAILLARD – GAEC GAILLARDS FRÈRES à La Tour du Meix “ Sur l’exploitation, réussir à élever les génisses correctement est une des priorités. Elles sont mesurées dès la naissance avec un suivi régulier. Le sevrage est réalisé environ à 3 mois, ensuite elles restent dans le même bâtiment (nurserie) jusqu’à 8/10 mois. La complémentation post-sevrage se poursuit avec le même aliment (VL 18) à raison de 2 – 2.5 kg/j. Elles sont rentrées dans le bâtiment, face aux vaches laitières, pour permettre une meilleure surveillance. A ce moment, l’alimentation évolue avec un mélange fermier composé de 60 % céréales (50% orge – 50% maïs) et 40 % d’un tourteau 40, soit un équivalent VL 22. Les génisses ont environ 1.8 kg/j de ce mélange. A la rentrée, après la saison de pâturage, des mesures des tours de poitrine sont effectuées sur l’ensemble des génisses pour permettre de déterminer celles qui seront mises à l’IA. Toutes celles entre 16-23 mois qui mesurent 177/178 cm de tour de poitrine ou qui les attendront durant l’hiver sont maintenues dans le bâtiment des vaches laitières (en face) pour une surveillance et une contention plus efficace. Toutes les autres entre 13 et 16 mois sont envoyées dans un autre bâtiment. A partir de 13 mois et jusqu’à 2 mois avant vêlage, les génisses disposent uniquement d’un kilo de tourteau équivalent 34 (tourteau 38 avec minéral intégré). Aujourd’hui, l’objectif est de réussir à diminuer les quantités de concentrés distribuées, notamment en arrêtant totalement les concentrés sur la période de gestation (sauf préparation au vêlage) grâce au travail réalisé sur les croissances en phase 0-12 mois.” Propos recueillis par Pauline Tissot, Conseillère technique d’élevage |
Sources :
FIDOCL :
Anne BLONDEL – ACSEL : http://www.fidocl.fr/content/elevage-des-genisses-6-mois-tout-est-joue
Mathilde VIAL – ADICE (formation génisses)
Philippe ANDRAUD – Puy-de-Dôme Conseil Elevage http://www.fidocl.fr/content/alimentation-du-gmq-sans-gras
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